Le « Mental » dans le bouddhisme

Le « Mental » est une notion abstraite dont il convient de bien comprendre le sens pour progresser dans notre perfectionnement spirituel.

On sait de nos jours que le Mental est une expression du cerveau.

LES DIFFERENTS TYPES DE MENTAL

On en distingue 3 sortes : le Mental de l’homme ordinaire, le Mental de l’être Saint et le Mental de Bouddha.

I. LE MENTAL DE L'HOMME ORDINAIRE

est situé au lobe cérébral frontal, comprenant la Conscience (discriminante) au côté droit, la Base mentale (ou l’Organe mental) et l’Intellect au côté gauche. L’Intellect est un instrument de la Conscience et de la Base mentale.

La Conscience (discriminante) : pa. : Vinnàna, sk.: Vijnàna. Vij : partagé en 2 (dual), nàna : conscience. Vijnàna : conscience ayant 2 parties, mental dual/double. Ainsi cette conscience compare, distingue en permanence, s’appuyant sur 2 ou plusieurs objets/sujets. Quand elle qualifie quelque chose de bien, il y a du mal sous-jacent. Cette conscience (discriminante) est attachée au présent car elle est exposée aux objets des sens. On nomme cette conscience le Mental du présent.
La Base mentale (organe mental) : pa : mano, sk: manas. La Base mentale fouille dans le passé et est ainsi appelé Mental du passé. Ses fonctions principales sont la réflexion, le calcul.
L’Intellect : L’Intellect est attaché au futur et est nommé Mental du futur. Il est le siège du raisonnement, de la construction intellectuelle et des projections vers le futur.

Le sutra du Diamant parle du Mental des 3 temps : Mental du passé, Mental du présent, Mental du futur. Il y est dit que ces 3 types de Mental ne sont pas acceptables car insaisissables, en perpétuel changement et chargés d’impuretés, d’attachements, de mauvaises habitudes, et tendances latentes.

Ces impuretés et défauts sont accumulés depuis le passé jusqu’à maintenant. Il s’agit d’addictions incrustées dans notre mental et qui nous poussent à engendrer le karma par la pensée, par la parole, par les actes. Il existe 4 sortes d’impuretés : l’ignorance, le désir impur, le désir d’existence (d’une meilleure existence future), le point de vue erroné. Elles sont à l’origine des souillures du mental.

Les liens et attachements sont des chaînes qui ligotent le mental : coutumes, traditions, enseignements familiaux, sociaux, communautaires, ethniques, qui sont parfois bénéfiques, parfois mauvais mais qui nous enferment dans des normes de comportement familiales et ancestrales et nous empêchent de vivre de manière libre et agréable.

Les tendances latentes/inhibitions sont des émotions et sentiments enfouis à notre insu dans notre mental. Elles sont en permanence en action, et minent le mental, provoquant une « mort lente » de l’être humain. Elles dirigent notre mental et sont à l’origine de nos soucis et perturbations. On les nomme « Mental erroné, perturbateur ».

Dans les sutras, le « Mental perturbateur », la Base mentale, la Conscience (discriminante) et l’Intellect sont appelés du même vocable « Citta » (Mental, esprit). Parfois les sutras comparent le Mental à un singe qui n’arrête pas de se balancer de branches en branches, il s’agit là de la Base mentale ou de la Conscience. Le Bouddha (historique) parle parfois du Mental comme un dessinateur qui réalise des arabesques des paysages et scènes du monde. Il veut ainsi décrire l’Intellect.

Le Bouddha utilise aussi les termes « le lac d’eau trouble, le Né (subi) » pour désigner le Mental erroné. Le Né étant subi sera détruit, car soumis au changement perpétuel. Le Mental erroné est attaché au passé, au présent et au futur et est ainsi sans cesse agité, empli de soucis et perturbations. Le mental émotionnel est présent, obstacle à notre quiétude intérieure. L’intelligence est simplement celle de l’homme ordinaire. Le Mental erroné est la cause du karma par la pensée, la parole et les actes. Nous sommes enfermés dans le cycle sans fin du samsara (renaissances).

II.LE MENTAL DU SAINT

Il se situe à l’arrière de l’hémisphère cérébral gauche et comprend les 3 sens naturels :

le toucher (naturel) au lobe pariétal
la vue (naturelle) au lobe occipital
l’ouïe (naturelle) au lobe temporal

Ce Mental est aussi nommé Citta.

Quand le Bouddha avait quitté son palais, il disait : « J’ai subi le Né, maintenant je recherche le Non-né ». Non-né est l’un des noms donné à cette aire du cerveau, parmi plusieurs autres : le lac d’eau pure, l’aire des sens naturels, le mental véritable, la conscience pure…

Quelle est la cause de l’obscurité du Mental de l’homme ordinaire ? Les impuretés/souillures.

Dans la pratique de méditation, si nous arrivons à activer l’un des 3 sens naturels, nous pourrons isoler les impuretés, liens et tendances latentes. Ces éléments ne pourront pas se manifester, même s’ils sont encore sous-jacents. Nous pouvons les éliminer peu à peu grâce à notre force de pratique. Quand nous sommes en mesure d’expérimenter l’activation de l’un des 3 sens naturels, nous rentrons dans la méditation Samadhi avec la Connaissance non verbale. La connaissance verbale est quant à elle située dans la partie antérieure du cerveau.

Avec l’expérience de l’activation des sens naturels, nous récoltons dans une certaine mesure les résultats suivants :

Au niveau biologique :

En isolant puis en éliminant progressivement les impuretés, attachements et tendances latentes, nous atteignons la Connaissance implicite non verbale qui nous procure un mental calme et paisible. Le système parasympathique est mis en fonction et l’acétylcholine secrétée :

santé du corps
les maladies psychosomatiques (hypertension, cholestérol, glycémie, rythme cardiaque...) remédiées.
le foie et les organes internes rééquilibrés

Au niveau psycho-physique :

Développement de la sagesse et de la spiritualité

III. LE MENTAL DE BOUDDHA

Le Mental de Bouddha est l’état du mental atteint par le Bouddha lors du 4è degré de méditation. Il s’agit de la Cognition naturelle non verbale, aussi désigné Mental d’Ainsité, Mental Tatha. Cet état mental permet l’éclosion du potentiel d’Eveil, du développement de la sagesse transcendante, de la sagesse Prajna. C’est un processus de longue haleine : le Mental de l’être Saint comporte déjà une sagesse transcendante naissante. Cette sagesse Prajna est plus profonde et plus élevée que la Cognition non verbale.

Elle comprend :

L’intuition : connaissance pointue immédiate de l’objet au contact des sens. C’est la fonction d’interprétation de l’aire de Cognition naturelle sans parole. Ultérieurement, cette intuition dépassera l’espace et le temps. Elle est une qualité suprême qui se manifeste avec le développement de la bouddhéité.
Le magnétisme personnel apparaît : en premier lieu, celui de la compassion, puis de la charité, de la joie et de l’équanimité. Ce magnétisme se développe graduellement selon notre pratique de méditation Samadhi et en est un résultat. Ces quatre états mentaux proviennent de la Cognition Naturelle et sont ainsi non- conditionnés. Ils se développent de manière illimitée et sont appelés les « Quatre Incommensurables ». Quant au commun des mortels qui essaie de se perfectionner dans la compassion, la charité, la joie et l’équanimité, il atteindra un niveau limité car encore soumis aux pensées comparatives, réflexives.
La créativité : est inhérente à la Sagesse Transcendante. Cette Sagesse n’a plus besoin d’apprendre, d’acquérir de l’expérience pour produire de nouvelles créations, de nouvelles idées dans tous les domaines et pas seulement au niveau spirituel.
L’éloquence et la force de conviction : la capacité de délivrer des discours sans gênes, sans contraintes.

Vous pouvez travailler pour le bien d’autrui, dans l’esprit de tolérance sur la voie de Boddhisatva. Vos actes et réflexions relèvent du Potentiel d’Eveil et ne créent donc pas de mauvais karma, seulement du mérite. Vous vivez libéré (des attachements) et partirez libéré. Si vous voulez renaître pour remplir la mission de Boddhisatva, vous renaîtrez par votre dévouement bienveillant sans subir la force du karma. A ce stade vous avez échappé à la souffrance (harmonie esprit-corps), atteint l’éveil (développement de la spiritualité et de la sagesse transcendante) et réalisé votre délivrance (libéré des liens et attachements).

LA VOIE DU PERFECTIONNEMENT

Les 3 types de Mental ci-dessus sont des parties de notre cerveau. Seul l’être humain dispose de ces 3 parties cérébrales qui lui permettent de se perfectionner et d’atteindre l’éveil.

Dans notre perfectionnement nous devons bien comprendre notre propre Mental. Les Patriarches chinois parlaient d’apprivoiser le buffle. Il s’agit de notre buffle (notre Mental). Laissons aux autres le soin d’apprivoiser leur propre buffle.

Le Sixième Patriarche avait écrit dans le Sutra « Phap Bao Dan » :

Quand on voit la faute des autres  
Notre propre faute est déjà là

D’après la loi de causalité et d’interdépendance, nous sommes aussi fautifs de ce qui s’est passé et ne sommes pas complètement innocents. Il faut bien comprendre cela dans notre pratique de perfectionnement.

Nous aimons encore parler sans cesse, bien manger, habiter dans une belle maison et avons ainsi toujours plein de souillures. Nous gardons un Mental de l’homme ordinaire, soumis à de multiples attachements. Les souillures sont puissantes, et nous en sommes prisonniers. Elles poussent l’esprit, l’organe mental, la conscience à travailler dans leur direction préférée, et souvent à notre insu.

En venant ici pour étudier la méditation, nous avons eu une première prise de conscience et voulons atteindre le Mental de l’Être Saint ou de Bouddha. En rentrant chez soi, il est souhaitable de continuer la pratique. Si ce n’est pas le cas, en se laissant entraîner par ceci ou cela pour subir souffrance et tristesse, cela veut dire que cette prise de conscience n’est pas réellement acquise. Notre voie spirituelle est de partir de cette prise de conscience pour arriver au Mental de Bouddha. C’est un chemin difficile, on peut tomber à n’importe quel moment dans la boue des souillures. Rappelons-nous que nous sommes des lotus dotés de bouddhéité, de potentiel d’éveil. Si nous tombons dans la boue, plus nous nous remuons plus nous nous y enfonçons, et nous resterons prisonniers du cycle samsara des renaissances.

Nous sommes du côté de cette rive de soucis, de souffrances, de samsara ; comment arriver à l’autre rive, celle de l’éveil, de la cessation des souffrances, de la délivrance ?

Le Bouddha voit les êtres plongés dans la mer des souffrances et des renaissances. Lui-même y est resté longtemps et a réussi à s’en échapper. Il nous enseigne les 4 moyens pour parvenir à cette délivrance : Méditation contemplative, Calme mental, Méditation Samaddhi, Sagesse transcendante.

La voie de la Méditation est parsemée d’embûches, on peut facilement tomber dans la mer de samsara :

Le verbe entraîne le karma : par les actes, la parole, la pensée.
L’excès de zèle, mortifie le corps et l’esprit, active le système sympathique.
La pusillanimité, le recul au lendemain
L’assiduité utilisant la concentration passe par le système sympathique.
Les relations avec les autres créant souffrance et tristesse (attachements)
La tristesse dont on rejette la faute aux autres, sans penser à nos propres attachements.
Le désir de s’agripper aux choses fastes qui nous donnent de la satisfaction.

Tous ces obstacles nous feront tomber dans la mer des renaissances.

Les choses fastes ne sont pas forcément bonnes, les choses néfastes pas forcément mauvaises. Bien ou mal, cela dépend de nous-mêmes. Si nous ne gardons pas cette « prise de conscience », nous resterons exposés aux vicissitudes de la vie, nous retombons dans l’état mental de l’homme ordinaire. En revanche, une « prise de conscience résolue », une compréhension et une acceptation complètes des lois de l’impermanence, des conflits et du non-soi permettraient d’atteindre le Mental de l’Être Saint avec une pratique qui progresse sans retour en arrière.

Sur notre chemin, nous rencontrerons beaucoup de défis provenant de la loi de causalité et d’interdépendance de cette vie ou des précédentes. Nous devons les relever avec succès pour avancer, changer notre karma.

Le Bouddha nous a aussi demandé de limiter les attachements et connaissances de ce monde pour assurer notre perfectionnement, car ils renforcent les impuretés.

Enfin, la pratique de méditation qui ne supprime pas le verbiage, la connaissance verbale, nous bloquera du côté de ce rivage, même avec une prise de conscience des possibilités d’éveil. L’enseignement de la méditation centrée sur les sens naturels et la Cognition naturelle, visant à mettre en oeuvre les 4 étapes de la Connaissance : Connaissance non verbale, Connaissance tacite, Connaissance en pleine conscience, Connaissance par la Cognition permettra le développement de la spiritualité et de la sagesse ainsi que le passage à l’autre rivage.

Bhikkhuni Triệt Như

Retranscription de Minh Từ d’après un DVD, 30.3.2012
Traduit par Quang Phổ, 25/05/2012

Auteur : Triệt Như
Publié le : 05-05-2022 - 09:16